Défense et illustration de l'épopée sportive
Championnat d'Europe 2000 : impossible n'est pas français !
Un match à dormir debout. A ne pas dormir du tout même, des deux côtés des Alpes. Nuit de détresse pour les italiens qui doivent encore se demander comment ils ont perdus en menant encore à la 93e ; nuit d'ivresse pour les français qui s'adjugent le championnat d’Europe après l'un des plus incroyables come-back de l'histoire du sport.
Nous sommes en juin 2000. Roger Lemerre, adjoint d'Aimé Jacquet lors du sacre mondial, a repris les rênes de l'équipe de France. Il doit mener les bleus vers un exploit encore jamais réalisé : gagner un championnat d'Europe dans la foulée d'une coupe d'une monde. Les français arrivent donc à l'euro avec la pancarte encombrante de favori et le statut d'équipe à abattre, mais surtout avec beaucoup de confiance : Djorkaeff « Je ne sais pas comment l'expliquer, peut-être à la façon dont mes potes descendaient du bus, à notre bonheur d'être ensemble, à ce sentiment partagé d'être forts, de se dire que rien ne pourrait nous arriver... Oui, en arrivant en Belgique, nous n'avions qu'une envie, c'était de poser nos sacs dans nos chambres et d'aller nous entraîner. Nous avions hâte que ça commence. Pour aller « taper » tous nos adversaires, les uns après les autres. » [1] Les bleus peuvent s'appuyer sur la même ossature qu'en 1998, renforcée par quelques nouveaux joueurs, qui n'a perdu qu'un match entre 1998 et 2000. Pour Lemerre, « il y avait un leader technique, Zidane, des leaders spirituels, Deschamps et Blanc, des gens ciblés comme Karembeu et Thuram qui étaient très forts pour l'esprit d'équipe ». [2]
Cette bande de champions commence son aventure européenne le 11 juin contre le Danemark. Malmenée par le pressing danois, les bleus s'en remettent à Barthez pour préserver le score. C'est Laurent Blanc qui ouvre le score au quart d'heure de jeu, avant que Thierry Henry ne double la mise en deuxième période de sa spéciale, un plat du pied enroulé dans le petit filet opposé de Peter Schmeichel. Wiltord dans les arrêts de jeu déjà parachève ce succès 3-0 qui lance la folle épopée des bleus. 5 jours plus tard, c'est au tour de Djorkaeff et d'Henry une nouvelle fois de marquer pour disposer de la République Tchèque. La défaite 3-2 lors du dernier match contre les Pays-Bas ne change rien à la donne, les français étant déjà qualifiés pour les quarts de finale.
C'est avec les phases finales que commencent les matchs aux scénarios incroyables. France-Espagne pour une place en demi-finale. C'est également là que Zidane prend une nouvelle dimension. Roger Lemerre annonçait au début de la compétition : « Il arrive à maturité, il est au moment où il va donner sa pleine mesure. Ce Zidane est un relais naturel. La seule chose que je me demande, c'est comment il pourrait, à moi et à d'autres, enseigner sa technique individuelle. Car il essaie de rendre le football le plus limpide possible, il n'a pas d'interdit dans sa technique et dans sa façon d'être. » Tout paraît simple en effet pour Zizou qui débloque son compteur but dans la compétition d'un magnifique coup franc en pleine lucarne. Mendieta égalise sur penalty, avant que "le snake" Youri Djorkaeff ne redonne l'avantage aux français d'un tir surpuissant juste avant la pause. Le score restera à 2-1, Raul manquant un penalty à quelques minutes de la fin, et la France a rendez-vous avec le Portugal en demi-finale.
Contre le Portugal de Luis Figo, l'équipe de France se fait surprendre par un but de Nuno Gomes et se retrouve menée pour la première fois depuis le début de la compétition. L'inévitable Thierry Henry égalise et envoie les deux équipes en prolongations. A la 117e minute, le défenseur portugais Abel Xavier dévie un tir de Wiltord du bras. Zinedine Zidane a sur ce penalty l'occasion d'inscire le but en or qui enverrait les bleus en finale. « Contre le Portugal c'est un des meilleurs, si ce n'est le meilleur match que j'ai joué. Au moment où je pose le ballon je ne me dis qu'une chose : "si je marque on est finale du championnat d'Europe". » [3]
Le 2 juillet à Rotterdam, la France retrouve en finale les Italiens pour une revanche du quart de finale de la dernière coupe du monde, perdu par les transalpins aux tirs aux buts deux ans plus tôt jour pour jour. Le plan anti-Zidane fonctionne parfaitement et la défense italienne est intraitable. Emmenés par leur capitaine Paolo Maldini, les Italiens ouvrent même le score par l'intermédiaire de Delvecchio à la 55e. Le temps passe sans que les bleus ne trouvent la faille. Lemerre fait rentrer Pires, Trezeguet et Wiltord. La France évolue ainsi avec cinq joueurs offensifs (Pires, Zidane, Trezeguet, Wiltord, Dugarry, Henry) pour seulement trois défenseurs. L'arbitre annonce le temps additionnel. « Je me souviens que personne ne tremblait alors que l'Italie menait 1-0 et que le temps passait" raconte Youri Djorkaeff, revenu sur le banc. "Personne ne disait "merde, on va passer à côté". On se disait plutôt: "Bon alors, c'est quand qu'on marque ?". Encore 2 minutes. Toujours 1-0, et aucun affolement sur le banc. Un truc de fou ! ». [1] Dans les tribunes, les tifosi entonnent l'hymne national...
Au bout du temps additionnel, coup franc à l'entrée de sa surface de réparation pour Barthez. Le gardien des bleus n'hésite pas: « Moi, je vois qu'il reste trente secondes. Je frappe loin devant, je me dis qu'avec Titi, David, Sylvain, on a du monde pour créer quelque chose ». Le ballon est dévié par Trezeguet, effleuré par Cannavaro, avant d'arriver sur le pied de Sylvain Wiltord. Le joker de luxe s'ammène le ballon et peut frapper dans un angle fermé. Le ballon passe entre les jambes de Nesta, sous la main de Toldo et finit au fond des filets italiens. On joue la 94e minute, et la France arrache les prolongations par miracle, faisant basculer la finale dans l'irrationnel.
A la 103e c'est un autre entrant, Robert Pires, qui se joue du tiers de l'équipe adverse, déborde et centre en retrait pour David Trezeguet. L'attaquant exécute le geste parfait et reprend le ballon du pied gauche, celui qui avait donné la victoire en Islande, qualifiant les bleus pour l'euro. La frappe somptueuse finit en lucarne et offre à l'équipe de France le titre de champion d'Europe pour un des plus beaux matchs du football français !
Ce but en or consacre une génération exceptionnelle : Zidane, élu cette année là meilleur footballeur du monde par la FIFA ; Deschamps, le capitaine d'exception, qui tire sa révérence sur un nouveau trophée ; Barthez, Thuram, Blanc, Desailly et Lizarazu, qui n'ont jamais perdu un match alignés tous les cinq en défense ; Djorkaeff selon lequel « l'équipe de France, c'est mon club à moi »... A Rotterdam, la nuit sera longue et belle. Le médecin des bleus Jean-Marcel Ferret confiera « Les Italiens étaient tellement convaincus d'avoir gagnés qu'ils ont débouchés des bouteilles de champagne que nous avons récupéré en passant devant leur vestiaire. » [4] « On est sur un nuage. Au niveau du jeu, de tout, c'est même lieux qu'en 1998. » pour Zidane. Youri Djorkaeff renchérit: « On avait en nous la confiance des gagnants. L'euro a été fantastique parce qu'on était forts, on était beaux, on était les champions. On jouait avec l'insouciance de la défaite, ce sentiment qu'on ne pouvait pas perdre. » [1] A partir de là, on ne peut que gagner...
[1] DJORKAEFF Youri, L'Equipe, 23 juin 2012.
[2] LEMERRE Roger, L'Equipe, 4 juin 2012.
[3] ZIDANE Zinedine, Comme dans un rêve, 2005.
[4] LAHOURI Besma, Zidane, une vie secrète, Albin Miche, 2008.
Zidane, Blanc, Vieira, Desailly, Dugarry, Thuram -
Henry, Djorkaeff, Deschamps, Barthez, Lizarazu